Lieux de rêve
Reconstruire le Château de Saint-Cloud : questions à Laurent Bouvet
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- Publié le mardi 15 mars 2011 17:36
- Écrit par Admin
J'ai le plaisir d'accueillir Laurent Bouvet, président de l'association "Reconstruisons Saint-Cloud !" qui a répondu à mes questions sur le projet de reconstruction du Château de Saint-Cloud, détruit par les flammes en 1870.
Tout d'abord, pouvez-vous nous présenter brièvement le Château de Saint-Cloud et son histoire ?
Lorsqu'il brûla en 1870, le monument était constitué de trois parties tout à la fois distinctes et solidaires : le château des Gondi construit au XVIème siècle, le château de Monsieur édifié au XVIIème (constituant le corps central du bâtiment), et l'important ajout de Marie-Antoinette par Mique au XVIIIème. Comme il serait trop long de vous en dire davantage, je vous renvoie à cet article : http://saintcloud.histoire.free.fr/histoir002.html
Tout d'abord, pouvez-vous nous présenter brièvement le Château de Saint-Cloud et son histoire ?
Lorsqu'il brûla en 1870, le monument était constitué de trois parties tout à la fois distinctes et solidaires : le château des Gondi construit au XVIème siècle, le château de Monsieur édifié au XVIIème (constituant le corps central du bâtiment), et l'important ajout de Marie-Antoinette par Mique au XVIIIème. Comme il serait trop long de vous en dire davantage, je vous renvoie à cet article : http://saintcloud.histoire.free.fr/histoir002.html
Pouvez-vous nous parler de l'association "Reconstruisons Saint-Cloud !" ?
L. B. : Notre association est essentiellement un groupe de travail ; de ce fait, ce n'est pas une association "classique" en ce sens que - pour des raisons d'efficacité - c'est une association "fermée" au grand public et qui ne rassemble que quelques personnes. Néanmoins, dans les semaines ou les mois qui viennent, une modification des statuts devrait l'ouvrir largement. Son objectif est essentiellement de faire connaître et promouvoir notre projet de reconstruction auprès des hommes politiques, des décideurs en tout genre, des médias, et donc du grand public.
La galerie d'Apollon (voûte peinte par Mignard)
Comment est né ce projet ? A quels besoins, quels problèmes répond-il ?
L. B. : Alors que j'avais vu à la télévision un certain nombre de reportages sur la construction du château fort de Guédelon (qui est une création ex nihilo), j'ai été absolument stupéfait, qu'en plein XXIème siècle, on puisse (re)construire un château fort... Qui plus est, sans un sou en poche à l'origine ! Peut-être davantage encore que par le monument, j'ai été fasciné par le modèle économique adopté permettant de (re)construire un château "gratuitement"... Dès lors, sachant qu'un certain nombre de monuments historiques avaient disparu (et que leur non-reconstruction résultait souvent d'un problème financier jugé à tort ou à raison insurmontable), je me suis dit qu'on pourrait parfaitement transposer ce modèle économique, non pas à la construction d'un monument n'ayant jamais existé (comme c'est le cas pour Guédelon), mais à la reconstruction d'un monument historique disparu dont la disparition crée forcément un "vide", qu'il soit patrimonial ou historique, autrement dit, une espèce de "trou noir culturel" ! J'ai regardé autour de moi et je me suis rapidement rendu compte que, Saint-Cloud ayant conservé son parc, la reconstruction de son château était de ce fait "facilement" réalisable.
Par ailleurs, même si bien peu en ont conscience, surtout à l'heure où on nous parle de l'impérieuse nécessité de créer des richesses et des emplois nouveaux, ces 460 hectares de parc aux portes de Paris (dont l'unique justification était le château) constituent un véritable gaspillage des ressources "naturelles" par l'absence d'utilisation qui en est faite... Ce sont 460 hectares de jachère économique résultant d'un accident de l'histoire auquel il faut d'autant plus remédier que, l'Ile-de-France étant la première région touristique du monde, il convient de renouveler l'offre touristique si l'on veut qu'elle le demeure ! Et, pour ne citer que cet exemple récent, le musée des "Arts Premiers" du quai Branly participe de ce renouvellement...
Angle donnant sur le salon d'Appollon
En quoi consiste votre proposition ?
L. B. : Nous partons du simple constat que le modèle économique de Guédelon est excellent et qu'il a amplement fait ses preuves puisque, d'une part, ce chantier attirant environ 250 000 visiteurs chaque année, le succès auprès du public ne se dément pas, et, d'autre part, s'effectuant dans le cadre juridique d'une société anonyme, non seulement il marche financièrement en "circuit fermé", mais il parvient même à dégager des bénéfices (environ 200 000 € annuels) !
Dès lors, nous souhaitons calquer ce modèle économique à la reconstruction du château de Saint-Cloud. Nous proposons donc que des ouvriers habillés comme aux XVIIème et XVIIIème siècles et travaillant selon les techniques et avec les outils de l'époque (qui n'ont d'ailleurs guère évolué) effectuent cette reconstruction sous la forme d'un "spectacle historico-pédagogique".
De plus, nous pensons qu'il serait souhaitable - que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du château - d'y adjoindre de vrais spectacles historiques mettant en scène les différentes personnalités qui sont liés à l'histoire de Saint-Cloud ; un peu comme au Puy du Fou mais beaucoup moins "ambitieux", et probablement avec des comédiens rémunérés.
Salon de Mars
Qu'en est-il du financement du projet ?
L. B. : Ce serait donc essentiellement un auto-financement résultant des entrés payantes des visiteurs. Cela dit, nous proposons cinq solutions financières complémentaires qui résultent directement du fait que, dans le Château de Saint-Cloud, à côté de pièces somptueusement décorées, s’en trouvaient également de nombreuses qui ne l’étaient quasiment pas et, étant de ce fait impropres à un usage culturel et touristique, elles pourraient avoir des affectations autres, à savoir purement fonctionnelles et même commerciales. Premièrement, le cadre s’y prêtant idéalement, on pourrait parfaitement envisager des salles de séminaires avec un restaurant gastronomique et un hôtel de luxe, comme le "Trianon Palace" de Versailles. Rappelons que de nombreux hôtels se trouvent aujourd’hui dans des châteaux, comme en atteste, en France, la chaîne "Relais et Châteaux" ou, en Espagne, les paradores. Deuxièmement, des galeries marchandes pourraient trouver place dans les sous-sols, comme au Carrousel du Louvre. Troisièmement, l’installation de bureaux publics (pour une administration), ou privés (pour une entreprise) serait également concevable. Quatrièmement, une école professionnelle (par exemple hôtelière ou des métiers d’art) pourrait très bien y avoir sa place. Cinquièmement, pourraient y être créés des logements, d’une part, de fonction pour des fonctionnaires (municipaux, départementaux, hospitaliers, ou ceux travaillant dans le parc) et, d’autre part, de luxe, permettant ainsi une mixité sociale sereine.
Antichambre des Grands Appartements (permettant d'accéder au salon de Mars)
Des investisseurs se sont-ils déjà montrés intéressés ?
L. B. : Pensant que notre projet est encore trop "jeune" pour intéresser des investisseurs et des mécènes, nous ne sommes pas encore allés à leur rencontre. Qui plus est, le "Domaine national de Saint-Cloud" appartenant à l'État (et peut-être demain au département des hauts-de-Seine), cette reconstruction suppose l'accord des pouvoirs publics. Les quelques investisseurs que nous avons inopinément croisés considèrent à juste titre que des soutiens politiques sont indispensables. Aussi, prenons-nous contact avec l'ensemble des élus locaux et des partis politiques... et la période des élections régionales est pour nous particulièrement propice !
La presse semble unanime et les soutiens sont nombreux. Quels obstacles rencontrez-vous dans votre "combat" ?
L. B. : Le meilleur accueil que nous recevons, c'est effectivement auprès de la presse.
Néanmoins, quant on s'attaque à un projet aussi atypique et ambitieux, forcément, on "dérange" et on bouscule des habitudes. Aussi, forcément, sommes-nous confrontés à une grande inertie qu'il nous faut vaincre... Mais, à force de patience et de ténacité, nous y parvenons ! Si je devais résumer la situation, je citerais le philosophe Alain : "L'individu qui pense contre la société qui dort, voilà l'histoire éternelle, et le printemps aura toujours le même hiver à vaincre."
Par ailleurs, un autre obstacle auquel nous sommes confrontés (et qui me surprend énormément !), c'est la difficulté que nous avons à faire passer notre message concernant l'autofinancement de notre projet. Quand on explique ce modèle économique précité (et pourtant simple à comprendre !), j'ai constaté que, pour beaucoup de gens, cela leur "rentre par une oreille et leur sort par l'autre" ! Autrement dit, alors que je croyais pourtant avoir été clair et m'être fait comprendre d'eux, à peine ai-je terminé de parler, que beaucoup s'écrient : "Mais, reconstruire le château de Saint-Cloud, vous n'y pensez pas... Ca va coûter une fortune ! L'État n'a pas d'argent !". En fait, je me suis rendu compte que c'est le mot "château" qui fait peur aux gens. De plus, ils sont convaincus que les monuments luxueux - mais modernes - construits par les célèbres architectes contemporains sont infiniment moins coûteux... alors que c'est souvent le contraire ! Et pour s'en convaincre, il n'est qu'à voir les sommes colossales qui ont été nécessaires à la construction du Centre Georges Pompidou, de l'Opéra Bastille, de la Bibliothèque François Mitterrand (1,2 Milliard d'euros) ou du Musée du Quai Branly... sans même parler de leur coût de fonctionnement souvent phénoménal ! Sans même parler de l'esthétique souvent discutable et peu consensuelle de tous ces édifices ! Mais à tout cela, "l'homme de la rue", ne pense pas. En revanche, dès qu'il entend prononcer le mot "château", un réflexe pavlovien le conduit à pousser des cris d'orfraie !
Quand, par exemple, sous la présidence de M. Jacques Chirac a été prise la décision de créer un "Musée des Arts Premiers" et d'en confier la construction à Jean Nouvel, "personne" n'a rien dit. Pas même quand on en a su le coût final très élevé de 400 millions d'euros (le coût approximatif de la reconstruction du château de Saint-Cloud), sans même parler du coût de fonctionnement qui est monstrueux :
http://www.ifrap.org/Quai-Branly-le-musee-du-Prince-et-des-enarques,0633.html
Si vous allez voir "l'homme de la rue" et que vous lui dites que le Musée du quai Branly a coûté 400 millions d'euros à l'Etat, il vous répondra (n'ayant aucune conscience de ce que peu représenter une somme pareille) : "Oui, bof ! Et alors... ça a coûté ce que coûte un musée !". Mais si maintenant vous allez le trouver pour lui dire qu'il faudrait reconstruire le château de Saint-Cloud ou le palais des Tuileries, et que cela coûterait 400 millions d'euros à l'État, immanquablement, il vous répondra : "Quoi ! 400 millions d'euros à la charge du contribuable ! Mais c'est énorme... vous êtes fou ! Vous n'y pensez pas ! Il n'est pas question de mettre un centime d'argent public dans un pareil projet !".
C'est pourquoi nous préconisons la solution de l'autofinancement.
Saint-Cloud au temps de Napoléon III
Et au niveau du grand public, comment votre initiative est-elle perçue ?
L. B. : Malheureusement, le grand public ignore encore très largement notre initiative, et la campagne de presse que nous menons depuis trois ans a pour mission de "populariser" notre action. Cela dit, de la part de ceux qui sont au courant de notre projet - et qui l'ont compris ! - les premières réactions sont excellentes et très encourageantes.
Quelles sont les principales critiques ou réserves émises par ses détracteurs ?
L. B. : Certains historiens de l'art (pas tous, loin s'en faut) déclarent que le château de Saint-Cloud reconstruit ne serait qu'une copie. Ce qui est à mon sens parfaitement ridicule ; d'autant plus que cette école de pensée ne prévaut nullement dans les pays étrangers, notamment européens, où l'on a reconstruit de nombreux monuments historiques (Allemagne, Union Soviétique, voir notre site...). D'ailleurs, la copie est un art à part entière ; et même (et surtout !) sous la période monarchique, les tableaux par exemple ont été copiés ; que ce soit par les peintres eux-même (pensez par exemple au sacre de Napoléon peint par David que l'on retrouve aussi bien au Louvre qu'à Versailles) ou par leurs élèves. Sans même parler des portraits officiels de Louis XIV, Louis XV et Louis XVI que l'on a copiés et recopiés à l'époque "à tour de bras" pour en inonder le royaume !
Un grand merci à Laurent Bouvet pour ces explications. Je trouve l'initiative très intéressante, et le Domaine de Saint-Cloud magnifique. Souhaitons bonne chance à l'association !
Le Château de Saint-Cloud a été le théâtre d'événements historiques. En 1784, il est acquis par Louis XVI pour Marie-Antoinette. Les gardes suisses portaient la livrée personnelle de la Reine, ainsi que le personnel. En 1790, Saint-Cloud fut le cadre d'une entrevue célèbre entre Marie-Antoinette et Mirabeau. C'est dans l'orangerie du Château, devenu bien national, que se déroula le Coup d'État du 18 brumaire (10 novembre 1799) au cours duquel le Directoire fut supprimé au profit du Consulat. Le 18 mai 1804, la proclamation de Napoléon Ier comme empereur des Français se déroula à Saint-Cloud. Napoléon en fit sa résidence préférée.
Le site de "Reconstruisons Saint-Cloud !" :
Toutes les photographies de cet article sont issues du site Web de l'association.