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Le voyage de la reine Margot

A l'heure où de nombreux Français partent en vacances, vous vous demandez peut-être comment les rois et les reines de France voyageaient. Quittaient-ils leurs châteaux ? Si oui, comment et pour aller où ? Pour illustrer la thématique du périple royal, je vous fais découvrir un des rares voyages royaux, le voyage de la "reine Margot", qui se déroula en 1564, dans le contexte des guerres de religion.

Marguerite ou la reine Margot

Marguerite de France, ou Marguerite de Valois, surnommée "la reine Margot" à partir du XIIe siècle, est la fille de la reine Catherine de Médicis. Par son mariage avec le roi Henri de Navarre, elle devient reine de Navarre en 1572, puis reine de France en 1589 lorsque son époux accède au trône de France sous le titre de Henri IV. A la demande de ce dernier, elle se démarie en 1599. La reine Margot joua un rôle pacificateur et modéré dans un climat de tensions entre catholiques et protestants. C'était une femme de lettres reconnue, un esprit éclairé et une mécène généreuse qui eut une place importante dans la vie culturelle de la cour. Au XIXe siècle, la parution du roman éponyme d'Alexandre Dumas donna naissance au mythe de la "Reine Margot".

Le grand départ

Lors des fêtes du Mardi Gras de l'an 1564, Catherine de Médicis annonça qu'un grand voyage se préparait et entraînerait la cour sur tous les chemins du royaume. Le départ était fixé au 13 mars 1564. Ce serait un voyage exceptionnel et mémorable pour le peuple de France qui ne connaissait pas son souverain, mais aussi pour le roi Charles IX, qui avait peu voyagé.

Ce tour de France avait pour but de raffermir le lien entre le roi et ses sujets. Il durera 2 ans et s'achèvera au printemps 1566.

Un long cortège

Catherine de Médicis voyagea avec ses enfants, dont la jeune Marguerite, dans un magnifique coche à six chevaux, aussi grand qu'une chambre. Les routes étaient à l'époque en fort mauvais état. Le coche avait donc tendance à cahoter ou à s'embourber régulièrement, obligeant les terrassiers à pelleter autour des roues, jeter des fagots, du sable et de la paille.

Malgré ces désagréments, c'est un honneur pour la princesse Marguerite, âgée de douze ans, et pour les heureux courtisans élus, de faire partie de l'équipée. Le cortège royal s'étirait sur plusieurs lieues (une lieue équivalait à 3,2 km à Paris). C'était une immense caravane de plusieurs milliers de personnes. Il fallait 16 mules de charge rien que pour transporter les bagages de la reine, ses vêtements mais aussi ses meubles (lit, chaise percée...). Sa fille Marguerite disposait quant à elle de 4 chariots pour ses affaires. Les enfants royaux partaient accompagnés d'une partie de leurs serviteurs et de leur suite. Son frère Charles emmenait avec lui quelques-uns des animaux de sa ménagerie, comme son lionceau.  

Chaque famille noble emportait également des tentes pour loger leurs serviteurs qui ne trouveraient pas de place en ville.       

Un périple actif

Pour la reine, ce voyage n'équivalait pas à des vacances. Il ne s'agissait pas de chômer ! Infatigable, elle faisait mille choses à la fois. Dans le carrosse, elle discutait avec ses conseillers, dictait des lettres à ses secrétaires, recevait des ambassadeurs sur le siège en face d'elle, mangeait... A proximité de sa portière, marchait une mule chargée de victuailles afin que Catherine de Médicis pu être à tout moment servie de dragées, de confitures et autres friandises qu'elle consommait en quantité. 

Lors des étapes, la cour participe à des fêtes, des divertissements, des réceptions. La longue caravane se dirigeait vers le sud du pays, en territoire protestant. Certaines villes, comme Lyon, étaient hostiles au roi. En dépit du danger, le cortège ne les évita pas afin de montrer que le maître du royaume était Charles IX.

Dans le sud, il fallait affronter la peste, notamment à Salon-de-Provence. Catherine de Médicis souhaitait rencontrer son astrologue, Nostradamus. Ce dernier lui avait prédit bien des événements qui s'étaient révélés vrais (la naissance de son fills le dauphin, la mort de son époux, sa longue vie de reine...). Lors de la visite, Nostradamus annonça que le prince Henri de Navarre, promis à Marguerite, deviendrait roi (il serait Henri IV).

Puis, le périple se poursuivit vers l'ouest. Bordeaux, le Béarn, la Gascogne, Bayonne... Un long séjour à la frontière espagnole constituerait l'apogée du voyage. La reine Catherine y retrouva sa fille Elisabeth et son gendre, Philippe II, roi d'Espagne.

Dans toutes les villes où le cortège royal fait halte, le peuple est charmé par la princesse Marguerite qui incarne une royauté splendide. Tous, garçons comme filles, l'adorent. Mais au-delà de l'engouement général, la future reine Margot se sent privilégiée de pouvoir parcourir ainsi le royaume de son frère. Peu de princes et de souverains dans l'Histoire de France peuvent se targuer d'une telle chance.

Si le voyage fut un succès, il n'apaisa pas les tensions religieuses entre catholiques et protestants. Catherine de Médicis fut partisane d'une politique de conciliation, instaura la liberté de conscience pour les protestants, et tenta à plusieurs reprises de faire accepter le concept de tolérance civile. Avec l'édit de janvier 1562, elle chercha à instaurer la liberté de culte, mais ne parvint pas à empêcher le déclenchement des hostilités. Sa méfiance envers les protestants persista et certains historiens prétendent même qu'elle aurait joué un rôle dans le massacre de la Saint-Barthélemy qui eut lieu à Paris le 24 août 1572.

 

Image : Marguerite de France, par François Clouet