Rois & reines
Marie-Antoinette et les enfants
- Détails
- Publié le mercredi 13 avril 2011 20:33
- Écrit par Admin
Marie-Antoinette adorait les enfants. Dès son arrivée à Versailles, faisant fi de toute étiquette, elle s'amuse à jouer avec le fils d'une de ses dames, Madame de Misery. Elle n'a que quatorze ans...
En 1776, la reine est émue par le sort d'un petit paysan orphelin qui faillit être renversé par son carosse. L'enfant s'appelle François-Michel Gagné. La souveraine le renomme Armand, le traite comme un prince, lui offre une éducation soignée et le fait même déjeuner à sa table. Sa protection s'étend à toute la famille du garçon. Ainsi, l'un de ses frères, Denis, est nommé violoncelliste du roi en 1787, et la reine lui envoie de l'argent pour l'aider dans sa carrière. Sa soeur, Marie-Madeleine, mariée après l'exécution de la reine, touche encore, d'après Jean Chalon, 3000 livres provenant des sommes données par la "Veuve Capet".
Hélas, Armand oubliera la protection de sa bienfaitrice et prendra fait et cause pour la Révolution. En 1792, il devient, selon Madame Campan, "le terroriste le plus sanguinaire de Versailles", sans doute par crainte de se voir reprocher le patronage royal dont il bénéficia. Il est tué à la bataille de Jemappes.
Mais Armand n'est que le premier d'une série d'enfants que Marie-Antoinette adoptera.
Pour ôter à sa fille, Madame Royale, toute idée de hauteur, elle décide de lui donner une compagne, Marie Philippine Lambriquet, fille d'une femme de chambre de la princesse. Elle est rebaptisée Ernestine, et passe toutes ses journées avec elle. Lorsqu'en avril 1788, Madame Lambriquet meurt, Marie-Antoinette choisit d'élever Ernestine avec sa fille. On lui donne un appartement chez Madame de Polignac, et les enfants partagent jeux, leçons et vêtements. Elles prennent leurs repas ensemble, et ce n'est pas toujours Madame Royale qui est servie la première. Elles feront leur communion ensemble en mars 1790 en l'église Saint Germain l'Auxerrois.
Citons encore Zoé, la fille d'un huissier de la chambre de Louis XVI. Lorsque son père et sa mère meurent, laissant trois orphelines en bas âge, Marie-Antoinette les adopte immédiatement. Les deux aînées sont placées au couvent de la Visitation et la cadette, Jeanne Louise Victoire, qui a le même âge que son fils, Louis Charles, est installée dans les appartements royaux. Rebaptisée Zoé, elle sera la compagne de jeux du dauphin de 1790 à 1792.
Marie-Antoinette vint encore en aide à d'autres enfants, notamment un petit garçon noir, que le chevalier de Boufflers lui donna en guise de souvenir du Sénégal. La reine le fit baptiser sous le nom de Jean Amilcar et le garda à la cour jusqu'en octobre 1789, où elle le fit entrer dans une institution pour enfants à Saint-Cloud.
Lors du départ de la famille royale pour Montmédy en 1791, Zoé rejoint ses soeurs au couvent. Ernestine est emmenée par Madame de Mackau, la sous-gouvernante.
Pendant son incarcération dans la tour du Temple, Marie-Antoinette s'inquiètera de ses enfants adoptifs. Elle reçoit des nouvelles de Zoé, mais plus d'Ernestine. Son père sera guillotiné.
A sa libération, Madame Royale demandera à quitter la France avec sa soeur adoptive, mais les enquêteurs du Directoire ne la retrouveront pas. Plus tard, à son retour à Paris en 1814, elle cherchera Ernestine en vain. Celle-ci était morte quelques mois plus tôt.
Marie-Antoinette faisait jouer ses enfants avec ceux de ses domestiques, afin qu'ils ne se sentent pas supérieurs. Quand on pense que beaucoup la prennent pour une reine hautaine et indifférente au peuple...
C'était une mère aimante, attentionnée. Une mère moderne, appliquant des principes éducatifs nouveaux (ceux de Rousseau, notamment), veillant particulièrement, avec son mari, à l'éducation de ses enfants.
Je conclurai cet article par une anecdote, car les exemples valent mieux que les grands discours. Une ancienne jardinière de Trianon raconte :
"[Marie-Antoinette] n'était encore que Dauphine, [...] et j'occupais avec ma famille une pauvre chaumière sur la route de Trianon. Comme elle aimait beaucoup les enfants, elle remarqua un jour ma petite Marie, âgée de six ans, et si jolie, que plusieurs dames enceintes de la Cour l'avaient déjà fait venir dans leurs appartements pour la regarder tout à leur aise, afin d'avoir des enfants qui lui ressemblassent : la Dauphine l'emmenant aussi quelquefois dans ses jardins de Trianon, j'imaginais que c'était pour le même motif que ces dames, et, un jour qu'elle me remit Marie chargée de joujoux et de bonbons, j'osai lui exprimer la joie que j'éprouvais de l'heureux événement de sa grossesse.
Elle ne répondit pas à mon compliment, mais elle se mit à pleurer si fort que la dame la fit assoir devant notre chaumière, en lui prodiguant de bien inutiles consolations. Cependant, à la vue de plusieurs seigneurs qui venaient à sa rencontre, elle se leva, essuya ses larmes, et leur adressa la parole avec tant de calme et d'affabilité que mon mari me dit en les regardant s'éloigner :
" Apparemment que c'est le plaisir des dauphines de pleurer ! "
Mais moi, je compris que j'avais imprudemment rappelé à la princesse son malheur de ne point être mère, et pendant plusieurs jours, j'eus soin que Marie ne se trouvât plus sur son passage quand elle se rendait à Trianon.
Quelle fut donc ma surprise, lorsqu'un matin la porte s'entrouvrant doucement, nous vîmes paraître en même temps Madame la Dauphine qui, s'étant inquiétée de ne plus voir Marie accourir à sa rencontre, venait en demander des nouvelles.
J'étais si surprise, si émue de cette incroyable bonté, que je balbutiai, sûrement sans le vouloir une véritable excuse, car la princesse me dit en caressant Marie : " Quelle vienne demain comme par le passé, cela m'attriste un instant, il est vrai, mais ensuite cela me console toujours."
(Source : Marie-Antoinette devant le XIXème siècle , Mme Simon-Viennot )
NB : Marie-Antoinette eut quatre enfants biologiques : Marie Thérèse Charlotte (1778-1851), Louis Joseph Xavier François (1781-1789), Louis Charles (1785-1795) et Marie-Sophie-Hélène-Béatrice (1786-1787).
Images : en tête, gravure représentant Marie-Antoinette et Armand, Marie-Antoinette et ses enfants, Elisabeth Vigée-Lebrun, 1787.
Source de l'article : Philippe HUISMAN et Marguerite JALLUT, Marie Antoinette, l'impossible bonheur, Vilo, 1970