Un peu d'Histoire

La véritable Sissi

sissi Le sujet de ce billet découle d'un périple à Vienne. Je connais Sissi depuis ma plus tendre enfance : à l'école primaire, je lisais avec plaisir les romans jeunesse d'Odette Ferry sur l'impératrice d'Autriche. Ces livres dépeignaient une Sissi aimante, bonne, joyeuse, enjouée. Ce portrait est d'ailleurs peu ou prou celui qui est décrit dans les films d'Ernst Marischka.
Bien entendu, comme pour la plupart des films, je me doutais que le personnage incarné par Romy Schneider était  romancé et rendu plus glamour que le personnage historique... mais je ne pensais pas que c'était à ce point.
En effet, lisez n'importe quelle biographie sérieuse d'Elisabeth d'Autriche et vous vous rendrez compte que la vraie  Sissi n'avait pas grand-chose à voir avec celle des films.

Elizabeth de Wittelsbach, duchesse en Bavière, est née le jour de Noël 1837 dans le petit village de Possenhofen. C'est la troisième fille au sein d'une fratrie de huit enfants. Sa famille la surnomme Sisi. Élisabeth grandit à Munich et passe ses étés à la campagne, au château de Possenhofen, situé sur les rives du lac de Starnberg. Elle est élevée sans contraintes ni manières. Elle est passionnée d’équitation, de poésie et adore faire de longues promenades en forêt.

C'est pendant l'hiver 1853 qu'elle vit son premier drame : elle est éperdument amoureuse du comte Richard S., un ami de son père, mais il décède très jeune, frappé d'un mal incurable. Sissi plonge alors dans une mélancolie aiguë, elle se met à écrire quand elle est malheureuse. Elle écrira des milliers de vers. Cette mélancolie, commune aux Wittelsbach, ne la quittera jamais.

sissi-photo A 15 ans, Élisabeth est mariée à l'empereur François-Joseph d’Autriche, qui a 23 ans. Dès qu'il la rencontre, c'est le coup de foudre, et toute sa vie, il l'idolâtrera et lui vouera un amour passionné.

Le mariage est célébré le 24 avril 1854 à Vienne. La nuit de noces se passe mal.
Sissi aima-t-elle son mari autant qu'il l'aima ? Rien n'est moins sûr, n'en déplaise à l'histoire d'amour que le cinéma veut nous faire avaler. Sissi dira que le mariage est une "institution absurde", et que se marier à 15 ans, c'est renoncer à sa liberté, et donner sa vie à quelqu'un. Elle considère avoir été "vendue" (C'est pourtant une pratique très courante au sein des familles régnantes que de se marier à cet âge). Son époux, si aimant fût-il, ne la rendra jamais heureuse.
Très vite, la jeune impératrice se sent mal à la cour. Elle ne supporte pas le protocole, et a du mal à tenir son rang et à remplir ses obligations. Elle sombre dans une dépression. Car c'est une jeune femme misanthrope, asociale, extrêmement timide, qui n'aime pas les cérémonies et la vie mondaine. Cela frôle parfois la sauvagerie. Elle déteste la cour de Vienne.
Depuis son mariage, elle est sujette à de violentes quintes de toux et des crises d'angoisse. En 1855, 1856 et 1858, elle donne successivement naissance à trois enfants, Sophie, Gisèle et Rodolphe.
Après la naissance de ce dernier, elle tombe malade, le médecin constate qu'elle a des fièvres fréquentes, un état de faiblesse général, un manque d'appétit. Il diagnostique une tuberculose.
A partir de l'année 1860, elle accuse un état pathologique quasi permanent où apparaît l'obnubilation de sa minceur. Elle mesure 1m 72, a une taille de guêpe (50 centimètres) et pèse 45 kilos. Pour conserver sa ligne, elle mange très peu, jeûne très souvent. Elle se nourrit parfois uniquement de jus de viande, de lait ou de bouillon de poulet. Elle pratique également des exercices de gymnastique, marche pendant des heures, monte à cheval dans d'interminables randonnées. Certains considèrent aujourd'hui qu'elle souffrait d'anorexie mentale.
Elle était considérée comme l'une des plus belles femmes de son temps, et le savait, à tel point qu'elle en était obsédée. Elle possédait une magnifique chevelure qui lui tombait aux chevilles, et qu'elle se faisait coiffer pendant 3 heures. Elle se les lavait tous les jours avec des jaunes d'oeuf et du cognac. Ses soins de beauté lui prenaient des heures. Enfin, elle portait des corsets très serrés, et faisait parfois coudre ses robes à la taille (directement sur elle), afin de paraître plus mince (alors qu'elle était déjà maigre !).

Sissi Winterhalter Elle tente de s'échapper de sa vie insatisfaisante à travers les voyages qu'elle affectionne beaucoup. Elle passe de plus en plus de temps à l'étranger en particulier à Gödöllo, et ne rentre à Vienne qu'en de rares occasions. Elle se surnomme elle-même « la mouette des mers ». À travers ses évasions, c'est elle-même qu'elle fuit, et cette relation conjugale qu'elle ne peut assumer et qui l'étouffe.

Au fil des années, les époux ne se retrouvent que rarement. Sissi, qui se sent coupable, va même jusqu'à pousser son mari dans les bras d'une actrice connue.
La mort de son fils, l'archiduc Rodolphe, en 1889, va achever de plonger Élisabeth dans une douleur indescriptible. Elle décide ne plus porter que le deuil (en noir), et accentue ses voyages à travers l'Europe. 
C'est sa mort tragique qui la fait entrer dans la légende. Atteinte d'anémie (forcément, elle ne mangeait que 8 oranges par jour), elle part le 16 juillet 1898 pour une énième cure.
Le 10 septembre 1898, à l'âge de 60 ans, elle est assassinée à Genève, en sortant de l’hôtel Beau-Rivage, situé face au lac Léman, par Luigi Luccheni dont le seul but était de se faire un nom en accomplissant une action éclatante. A la base, il voulait assassiner le duc d'Orléans, héritier du trône de France, mais celui-ci avait changé son emploi du temps. Il s'est donc « rabattu » sur l'impératrice.

Je trouve bien dommage que le personnage ait été si idéalisé à l'écran car je trouve la vraie Sissi à la limite plus complexe et plus intéressante que celle des films. Mais je peux comprendre qu'une héroïne dépressive, suicidaire et anorexique, c'est tout de suite moins glamour.
Pourtant, elle avait des qualités bien plus intéressantes, comme sa propension à écrire de la poésie, son goût pour la mythologie, et la culture en général : elle adorait apprendre et savait parler énormément de langues, dont le hongrois, le grec ancien, le grec moderne, et comme tout noble qui se respecte, le français et l'anglais. Sa sympathie pour le peuple hongrois faisait qu'elle parlait presque exclusivement hongrois avec son entourage (sa correspondance avec son époux était dans cette langue, et non en allemand). C'était aussi une femme intelligente, et en avance sur son temps, notamment dans sa conception du mariage.
Mais enfin, tant mieux pour elle si la postérité a redoré son blason et l'a transformée en une telle héroïne. Ce rôle a d'ailleurs fait décoller la carrière de la sublimissime Romy Schneider, qui peut lui dire merci. Romy prendra, des années plus tard, sa "revanche" sur le personnage idéalisé, en campant, dans le "Ludwig "de Luchino Visconti, une Élisabeth très différente. C'est tout à son honneur.
 
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Tout ceci montre que beaucoup de légendes entourent les personnages historiques, et ce, souvent à notre insu. Pour Sissi, c'est une légende positive, qui la met en valeur. Pour d'autres, comme Marie-Antoinette, ce sont des légendes salissantes et injustes. C'est pour cela que j'apprécie quand un artiste tente de coller au plus près de la vérité des personnages plutôt qu'aux légendes et aux clichés. Je trouve cela plus intéressant que de les "romancer" et c'est ce que je m'efforce de faire dans mes livres.

Ce qui est drôle, c'est qu'en fouinant un peu sur le Web, je me suis aperçue que des gens ayant lu sa biographie étaient déçus de découvrir la vraie Sissi. Pour moi, ce fut le contraire, et pour cela, je ne regrette pas ma visite au Sisi museum de Vienne.