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L'histoire du restaurant : manger comme à Versailles

C'est au XVIIIe siècle - mon cher XVIIIe... - qu'est né le restaurant.
En 1765, Boulanger, un cafetier, ouvrit une sorte de cabaret à Paris, rue des Poulies (actuelle rue du Louvre). Auparavant, le mot "restaurant" désignait un bouillon revigorant, qui restaurait les forces.
Boulanger proposait de la nourriture servie sur table à toute heure. Les tables sont individuelles et non communes comme dans les auberges. Il y a également une carte permettant de choisir ses plats au lieu du plat unique des auberges.
L'établissement de Boulanger ne tarde pas à susciter l'engouement de la noblesse et des érudits.
Diderot écrira à Sophie Volland en 1767 : "Si j’ai pris du goût pour le restaurateur ? Vraiment, oui ; un goût infini. On y sert bien, un peu chèrement, mais à l’heure qu’on veut."

Comme à Versailles
Ainsi, en 1782, Antoine Beauvilliers, cuisinier du prince de Condé et officier de bouche de Monsieur, comte de Provence (le frère du roi Louis XVI), surfe sur la vague en ouvrant le "Beauvilliers". Puis, il reprend la "Grande Taverne de Londres", au 26, rue de Richelieu. Beauvilliers ne propose à ses clients rien moins que de manger comme à Versailles. Salons élégants, service parfait, cuisine raffinée et cave de choix, le premier restaurant gastronomique de France est né.
Doté d'une excellente mémoire, Beauvilliers reconnaît ses convives et les reçoit, l'épée au côté et en uniforme d'officier de bouche de réserve. Il est également l'auteur d'un des meilleurs ouvrages dans l’art culinaire (L'Art Du Cuisinier). C'est devenu un classique de la littérature gastronomique française, toujours en vente.
Mais c'est véritablement à partir de la Révolution que la mode des restaurants s'amplifia. Les cuisiniers des grands seigneurs, se retrouvant sans emploi en raison de l'émigration des nobles - qui fuient les persécutions du régime -, deviennent restaurateurs.
Etant formés à une cuisine de qualité, ils attirent la bonne société, et dès 1789 on compte une centaine de restaurants à Paris, regroupés autour du Palais-Royal. Trente ans plus tard, il y en aura 3000.
Le phénomène s'exporta dès lors dans le monde. Le premier restaurant outre-atlantique ouvre à Boston en 1794. Le service est à l'époque encore "à la française", c'est-à-dire que les plats sont disposés sur la table et les convives se servent eux-mêmes.
La forme actuelle de service, dit le "service à la russe", où le convive reçoit son plat dressé à l'assiette, fut introduite en France par le prince russe Kourakine dans les années 1810. Preuve, s'il en fallait, que l'art de vivre russe, était très raffiné.

La "nouvelle cuisine"
Le XVIIIe est le siècle de l’apogée de la cuisine à la française. Le raffinement est des plus poussés, et la présentation devient un élément essentiel du plat. On parle alors de "nouvelle cuisine", où la qualité prime sur la quantité (l'abondance des plats étant cruciale sous le Grand Siècle). C'est une cuisine jugée moderne, où il faut atteindre "l'harmonie de tous les goûts réunis ensemble". La nourriture se veut également plus digeste et plus saine.
Cuisiner devient un passe-temps aristocratique. Louis XV lui-même aimait préparer des « œufs en chemise à la fanatique », du « poulet au basilic », ou encore des « pâtés aux mauviettes » (aux alouettes). La duchesse de Berry, « des filets de lapereaux à la Berry », et Madame de Pompadour, « des filets de volailles à la Bellevue »...
 
 
Images : un restaurant à Moscou en 1916, par Boris Kustodiev
Frontispice de l'ouvrage "L'Art du Cuisinier" de Beauvilliers