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La piquante histoire de la moutarde

Quelle est l'origine de la moutarde ? Ce condiment préparé à partir des graines d'une plante de la famille des Brassicaceae est le troisième produit le plus consommé dans le monde après le sel et le poivre.
On connaît la moutarde depuis l'Antiquité : les Grecs faisaient remonter sa découverte au père de la médecine, Esculape, en raison de ses qualités digestives. Les Hébreux l'utilisaient dans leur alimentation. Les Romains l'appelaient sinapis. Quant aux Egyptiens, ils lui attribuaient de nombreuses vertus. On la cite dans l'Écriture Sainte et chez de nombreux anciens auteurs comme Aristophane.

Ce sont les Romains qui auraient importé la moutarde en Gaule. Elle s'y développa en abondance grâce à la culture de la vigne avec qui elle faisait bon ménage. Les termes Mustum, Mustardum, Mustarum apparaissent dans les manuscrits. Le mot « moutarde » viendrait du latin Mustum Ardens qui signifie moût brûlant car les Romains délayaient les graines de moutarde broyées dans du moût de raisin, qui donnait une moutarde bien relevée. En langage celtique (Mwstardd), sa signification serait liée à sa forte odeur.

« Il n'est moustarde que à Dijon »

« Il n'est moustarde que à Dijon », écrit Jehan Millot, chanoine de Lille au XIVe siècle. Tabourot, qui publia ses Bigarrures en 1582, prétend que l'étymologie du mot moutarde serait liée au courage des Dijonnais : en 1382, Philippe VI de Valois, dit le Hardi, duc de Bourgogne, voulant soumettre les Gantois révoltés, mit le siège devant leur ville avec son neveu Charles VI, roi de France. Dijon fournit mille hommes d'armes à son souverain. En guise de reconnaissance aux Dijonnais, le duc de Bourgogne accorda à la ville divers privilèges dont celui de porter ses armes avec sa devise : "Moult me tarde". On grava armes et devise sur la plus belle porte, et le « me» se trouva placé en dessous des deux autres mots, de sorte que tout le monde lut moult tarde et que ce nom fut retenu.

Cependant, cette anecdote de Tabourot est sujette à caution puisqu'on célébrait la moutarde de Dijon déjà trois ou quatre siècles avant. Toutefois, cette inscription est retranscrite sur tous les pots de moutarde. La fabrication de la moutarde est réglementée en 1390 et ceux qui font une mauvaise moutarde sont aussitôt condamnés à de fortes amendes.

En France, la moutarde n'était pas seulement fabriquée à Dijon. Il en était produit à Paris et à Meaux, et dans toutes les régions à vignes :  autour de Bordeaux, Tours et Reims, grâce au vinaigre entrant dans la composition de la moutarde. Cependant dès le XIVe siècle, la Bourgogne s'en était fait une spécialité. Pour assurer la conservation de la moutarde, on employait à Dijon une méthode singulière, préconisée par Columelle. On y plongeait des charbons ardents afin d'enlever toute amertume au sénevé.

Le liquide utilisé à l'origine pour effectuer la fermentation était le vinaigre. C'est Jean Naigeon, un Dijonnais, qui vers 1752, substitue le verjus au vinaigre. Cette recette fait la renommée de la moutarde de Dijon.

Les pots de moutarde, très prisés par les collectionneurs, étaient de petits pots en faïence blanche, fermés par un bouchon épais en liège recouvert d'une capsule en étain, scellée à la cire. Il existait aussi des distributeurs de moutarde au comptoir, auprès desquels on venait remplir son verre.

L'appellation « Moutarde de Dijon », non contrôlée, est réservée aux moutardes en pâte fabriquées avec des produits blutés (opération qui consiste à débarrasser la moutarde de ses impuretés en les éliminant au tamisage) ou tamisés. Elle est donc associée à une recette et non un terroir : on peut donc en fabriquer à Paris.

Un produit royal

Inséparable de la ville de Dijon, la moutarde trône sur la table des ducs de Bourgogne qui en apprécient le goût et les vertus digestives et antiseptiques. Ils envoyaient régulièrement des barils à la cour du roi de France. Selon les archives de l'époque, Louis XIV ne se déplaçait jamais sans son pot de moutarde.

Au XIVe siècle, la cour de Bourgogne était la plus fastueuse d'Europe. En 1336, Eudes de Bourgogne donna une fête à Rouvres pour Philippe VI de Valois, dit le Hardi, où l'on consomma une grande quantité de moutarde.

Jean XXII devint pape en Avignon de 1316 à 1334. Sa cour était brillante. Il créa pour son neveu, un individu incapable et vaniteux, la charge de premier moutardier du pape. Alexandre Dumas rapporte que Louis XI avait toujours son pot de moutarde avec lui quand il allait souper chez un bourgeois.

Amora, deux siècles d'Histoire

C'est en 1703 que François Naigeon est reçu maître-vinaigrier. Il sera le premier d'une longue lignée de fabricants de moutarde. En 1919, Armand Bizouard, un de ses descendants, dépose la marque Amora au greffe du tribunal de commerce de Dijon.

En 2008, le groupe néerlandais Unilever, qui disposait de plusieurs usines de moutarde en Europe, a décidé de fermer l'usine Amora-Dijon, site historique de la marque. La moutarde de Dijon n'est donc plus depuis 2009 fabriquée et conditionnée dans la commune de Dijon, mais sur le site voisin de Chevigny-Saint-Sauveur situé à 10 km du centre de Dijon, qui est désormais le plus grand site européen de condiments.


En 2009, le président américain Barack Obama, à bord de l'avion Air Force One, a émis le souhait de goûter de la moutarde de Dijon. À la suite de cette demande, la ville de Dijon lui a envoyé un colis contenant différents types de moutarde : "J'ai le plaisir de vous adresser une sélection de ce produit, fruit d'une longue tradition et d'un savoir-faire unique au monde qui vous convaincra, s'il en était besoin, qu'il n'est de moutarde que de Dijon", lui écrivit le maire de la ville. La caisse contenait des pots de moutarde de Dijon Amora-Maille classique, au cassis et au marc de Bourgogne.

Sources : Arkantz, Wikipédia, usinenouvelle.com
Crédits photos : Wikipédia, france-voyage.com, curisoae.com