Rois & reines

Louis XV le "Bien" Aimé

Louis XV est né en 1710 à Versailles. Il sera roi de 1715 jusqu'à sa mort en 1774. Arrière-petit fils de Louis XIV, cet enfant orphelin (il perd tour à tour son père, sa mère et son frère) devient héritier du trône à l'âge de cinq ans. Durant sa minorité, c'est Philippe, duc d’Orléans, qui va assurer la Régence. Ce n'est qu'à treize ans qu'il prend véritablement le contrôle du gouvernement.

Louis avait tout ce qu'on pouvait attendre d'un roi : il était beau (on le considérait comme le plus bel homme du royaume), vif, intelligent, vigoureux. A vingt ans, il avait déjà donné un dauphin et un duc d'Anjou à la France (ce dernier devait mourir bientôt). Le peuple l'adorait et le surnommait le "Bien-Aimé".
Hélas, cet état de grâce ne dura pas. Avec le temps, son épouse dévouée, la polonaise Marie Leszczynska, qui accouchait presque chaque année et lui donna une ribambelle de filles, finit par le lasser. Il prit alors des maîtresses, dont les plus connues sont Madame de Pompadour et Madame du Barry.

Son idylle avec la Pompadour, qui, bien que belle, intelligente, cultivée et douée, n'était qu'une roturière, entama grandement sa popularité. Elle fut très vite haïe par les courtisans de Versailles qui ne lui pardonnaient pas ses origines. Son action sur le gouvernement fut très mal acceptée par la Cour et par le peuple. C'est ainsi que vinrent les premières attaques contre le pouvoir royal. Elles s'aggravèrent sous le règne de Madame du Barry, et avec les crises économiques et politiques qui frappèrent le royaume, achevèrent d'anéantir complètement ce qui restait de popularité au monarque.

Sa mort (due à la petite vérole), laissa le peuple indifférent, aussi ses funérailles se déroulent-elles en secret et de nuit pour éviter que son cercueil ne soit exposé à la dérision publique comme cela fut le cas pour Louis XIV.

Les historiens ont longtemps jugé sévèrement la personne de Louis XV. Il était considéré faible, fainéant, indifférent aux affaires du royaume, uniquement intéressé par la chasse et les femmes. Mais la recherche moderne a montré qu'il était au contraire très intelligent, doué d'une mémoire prodigieuse et travailleur. Il pouvait passer des heures à discuter affaires avec ses conseillers ou ministres. A la mort de Fleury (qui joua le rôle de premier ministre), il choisit même de se passer de premier ministre et de gouverner seul, à l'instar de son prédécesseur.

Ce sont ses faiblesses psychologiques qui l'ont perdu : cet être timide, défiant, secret, anxieux, mélancolique, taciturne (et pour cause, quand on pense à son enfance solitaire) était profondément indécis ; il était indécis parce que son intelligence lui conférait une trop grande conscience des enjeux et des problèmes. Il doutait en permanence de lui-même. Cela lui fit faire de mauvais choix.

C'était aussi un pacifiste, et on lui reprocha sa politique étrangère (comme la guerre de succession d'Autriche où il rendit toutes ses conquêtes car il souhaitait régler le conflit en "roi" et non en marchand). Cela lui valut l'impopularité générale.

Toute sa vie il avait manqué de l'amour d'une mère et le chercha peut-être inconsciemment chez ses nombreuses maîtresses, qui devaient le rassurer constamment.
On le blâma fortement pour ses maîtresses et partant son "immoralisme", sa frivolité. Ce n'était pas acceptable pour le Roi Très Chrétien, et d'autant plus que certaines d'entre elles avaient des origines jugées honteuses et étaient donc elles aussi impopulaires.

Pour moi, Louis XV préfigure le bourgeois du XIXe siècle, qui rêve d'une vie simple, privée, centrée autour de sa famille. C'était un très bon père, aimant, qui n'aimait rien tant que passer du temps avec ses enfants, loin de la pompe et du cérémonial de Versailles. Ce Versailles dont Louis XIV avait fait le centre du monde, et dont il tentait de s'échapper autant que possible. L'étiquette se relâcha sous son règne, cette étiquette qui était l'instrument ultime d'asservissement des courtisans (trop occupés à servir le roi et à mendier sa faveur, ils ne pensaient plus à le contester). Ce fut encore pire sous Marie-Antoinette, et l'on sait où cela mena...
Il entreprit une oeuvre de modernisation de la monarchie qui fut malheureusement entravée par des contraintes séculaires et l’obstruction de la magistrature.

 
 

Je terminerai par cette assertion audacieuse de Pierre Gaxotte (de l'Académie Française) : "s'il avait encore vécu, la Révolution n'aurait pas eu lieu, non seulement parce qu'il aurait réprimé les troubles dès 1789, mais encore et surtout, parce qu'il aurait fait à l'avance les réformes nécessaires. Et le royaume se serait abandonné à la prospérité car c'est à Louis XV que nous devons le franc, le vrai franc, le franc-or qui, l'épisode des assignats excepté, a tenu bon jusqu'en 1914."

Pour en savoir plus, je vous conseille :
- Louis XV de Michel Antoine : la meilleure biographie du roi à ce jour. Attention, ce n'est pas un ouvrage très grand public mais un pavé de 1000 pages d'érudition. Il faut s'accrocher.
- Le siècle de Louis XV de Pierre Gaxotte : un livre fondateur, un de ces livres qui comptent dans l'histoire de l'Histoire. Plébiscité par Michel Antoine, Gaxotte a suscité de nombreuses vocations d'historiens.